Bien souvent encore confondue ou réduite à des notions d’aménagement des postes de travail, ce qu’est l’ergonomie et ce qu’elle peut apporter en matière de prévention des risques reste encore aujourd’hui assez flou.

NOTRE RÉDACTRICE : Christine ADELSON, Ergonome – CENTRE DE GESTION DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE DE LA RÉUNION

De quoi parlons-nous ?

Alors que les entreprises sont de plus en plus nombreuses à rencontrer d’importantes difficultés notamment liées au vieillissement de la population active, à l’usure professionnelle et à l’augmentation des besoins d’adaptation de postes et de reclassement, l’intégration des principes ergonomiques dans les situations de travail devient un enjeu majeur de santé et de maintien de la qualité de service. Basée sur l’analyse du travail réel à travers une approche systémique et participative, l’étude ergonomique vise à concevoir ou corriger les situations de travail de manière à en améliorer les conditions d’exécution et à les optimiser afin de limiter la pénibilité du travail, la survenue d’accidents ou de maladies professionnelles.

Santé et efficacité, des objectifs liés

Faire de l’ergonomie, ce n’est pas seulement répondre à la réglementation, améliorer les conditions de travail et augmenter la productivité, mais c’est aussi redonner une image positive, de la motivation et permettre d’accroître la performance. Ainsi santé et efficacité ne sont pas nécessairement opposées, bien au contraire. La performance est aussi un objectif individuel. Qui souhaite être « mauvais » ou « moyen » ? Personne ! Chacun aspire à réussir, à être efficace, pertinent, à produire un travail de qualité. Ainsi, la performance peut aussi être source de satisfaction au travail. L’ergonomie ne répond pas uniquement à une démarche de prévention des risques physiques, mais plutôt à une démarche d’amélioration globale des conditions de travail, et, par conséquent, elle intègre aussi les facteurs socio-organisationnels du travail.

Une expertise basée sur la méthodologie d’intervention

L’ergonomie n’est pas vraiment une discipline à part entière. Elle se situe au carrefour des disciplines qui concernent les sciences de l’homme et du travail (physiologie, psychologie, psychodynamique, sociologie, gestion, ingénierie,…). La démarche ergonomique repose donc sur la mise en œuvre d’un ensemble d’expertises touchant au domaine des conditions de travail. Sa spécificité n’est pas basée sur un champ disciplinaire particulier, mais sur son approche méthodologique.

Pourquoi analyser les situations de travail ? Qu’apporte la connaissance de l’activité réelle de travail ?

La place incontournable de l’homme dans le système de production est trop souvent négligée. La plupart des situations d’aménagement, de transformation ou de conception de systèmes de production sont encore aujourd’hui, élaborées à partir de logiques financières, technique ou juridiques et malheureusement assez peu à partir de l’activité réelle de travail, ou le réel de l’activité…

Et pourtant, la connaissance de la réalité du travail est essentielle. Qui n’a jamais été confronté à des situations telles que : une aide à la manutention qui n’est pas utilisée, un carter qui reste ouvert ou qui est ouvert pendant l’intervention, des protections individuelles qui ne sont pas portées, des commandes qui sont shuntées, des procédures non respectées, des opérations non réalisées ou rajoutées par rapport au référentiel de tâches. Ces situations sont souvent classées dans les cases de « la résistance au changement », « la prise de risque inutile », ou encore de « l’incompétence ».

Le métier de l’ergonome consiste à analyser ces comportements et vise à découvrir l’écart entre le prescrit et le réel (l’opérateur fait toujours différemment), les adaptations (régulations) nécessaires pour atteindre les objectifs, les « ruses » pour faire face à la variabilité du travail.

En bref, les ressources insoupçonnées mais également les risques de l’activité humaine à travers l’analyse de ce que font réellement les personnes. Ces interventions permettent de comprendre les relations entre santé et performance, sans oublier le vécu (qui fait partie de la santé et se mesure en Risques Psycho Sociaux) parfois tragique de la personne qui souhaite bien faire son travail mais qui n’en a ni les moyens, ni la possibilité de l’exprimer !

L’approche de l’ergonome est celle qui aborde les situations dans leur globalité et non par tranche. En effet, il ne s’agit pas de découper des situations de pénibilité par facteur de risque et d’en faire la mesure, en référence à des seuils. L’ergonome s’intéressera aux circonstances qui sont à l’origine de la pénibilité et qui constituent la diversité, et non la moyenne et les seuils.

« L’analyse du travail est la chose la plus longue et la plus difficile, car c’est elle qui pose avec précision le problème scientifique [ou de l’intervention]. Prétendre résoudre un problème de cet ordre sans analyse préalable du travail reviendrait à prescrire des médicaments à un malade  sans l’avoir examiné ou encore vouloir perfectionner  une machine sans connaître ni sa construction, ni son fonctionnement. » (LAHY, 1948)