L’hyperconnexion est considérée comme un facteur psychosocial, qui correspond à des effets psychologiques indésirables.

NOTRE RÉDACTEUR Cédric SINECOINDIN, Ingénieur Conseil, Service Prévention des Risques Professionnels – CGSS GUYANE

De quoi parlons-nous ?

L’hyperconnexion est le moyen pour certains salariés de s’émanciper de leurs horaires de travail. Les avantages sont nombreux : pouvoir travailler de chez soi, comme on le souhaite (au lit, dans la cuisine, dans la salle, sur la terrasse…) et à tout moment (en pleine nuit pour les insomniaques, à peine le soleil levé et l’œil ouvert) ; être autonome et aspirer à une certaine liberté ; gagner du temps sur la journée. Ce phénomène s’est intensifié depuis la démocratisation des smartphones et des tablettes et se transforme peu à peu en hyper-mobilité ; c’est là qu’on compte un nouvel invité dans la famille ou dans la vie privée : l’entreprise !

Selon le Baromètre Edenred-Ipsos « Bien-être et motivation des salariés » de 2015, le salarié d’aujourd’hui est « souvent sollicité par son travail en dehors de ses horaires professionnels, mais aussi amené à régler des problèmes privés au bureau ». La frontière entre la vie privée et la vie professionnelle est donc de plus en plus fine. Ces connexions régulières peuvent rapidement être assimilées à de l’assiduité et être considérées comme quelque chose de « normal ».

Des effets multiples

La messagerie est, en entreprise, le vecteur principal d’infobésité. Elle est toujours ouverte et brasse une quantité d’informations importantes, parfois inutiles pour le salarié. Cette ultra-connexion peut également conduire, paradoxalement, à un repli sur soi. Dépersonnalisation des relations, opacité des échanges, jeux de pouvoirs et d’exclusion dans les « cc » et les « cci ». En somme, des interruptions répétitives qui amenuisent la concentration et la créativité du salarié lui faisant perdre jusqu’à 28% de productivité.

L’hyperconnexion est considérée comme un facteur psychosocial, qui correspond à des effets psychologiques indésirables. Les Ressources Humaines doivent être proactives dans le traitement de cette dernière. Elle peut très rapidement découler sur des problématiques de risques psychosociaux et impacter négativement la Qualité de Vie au Travail (QVT).

En effet, l’hyperconnexion produit parfois des effets psychologiques indésirables tels qu’un sentiment de fatigue, un épuisement mental, l’addiction suscitée par les notifications ou la réception d’un e-mail. On peut donc aisément comprendre que cette surcharge informationnelle puisse provoquer un sentiment de stress lié à la sensation de travail inachevé, et conduise de fait au burn-out.

Un droit à la déconnexion

Voilà pourquoi le droit à la déconnexion a fait son entrée dans le code du travail. Mesure emblématique de la loi controversée du 8 août 2016, dite “Loi Travail”, inscrit à l’article 55. Celui-ci favorise le respect du temps de repos et du temps  de la vie personnelle. Cela donne le droit d’être déconnecté  de ses outils numériques professionnels pendant les temps de repos et de congés. C’est une protection de la part de l’employeur pour ses salariés. Les entreprises auront le devoir de mettre en place des instruments de régulation de l’outil numérique. Ces mesures viseront à assurer le respect des temps de repos et de congés, ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale.

Des exemples sont observables dans de grandes entreprises comme Volkswagen ou Alticap qui veille à la régulation et la limitation de la distribution des e-mails dans Office 365.  Pour cela, les Directions des  Infrastructure et des systèmes d’information ont mis en place une déconnexion des e-mails le soir et le week-end. L’objectif de cette démarche : participer à la diminution du stress des salariés. Cela doit contribuer à leur bien-être sans affecter leur efficacité. Dans la pratique, les collaborateurs ne reçoivent plus aucun e-mail entre 20 heures le soir et 6 heures le matin. De même, Intel, Nestlé, Sodexo ou encore Orange organisent ponctuellement des journées sans e-mail. Ces entreprises s’inscrivent dans une politique de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) en tentant d’améliorer la qualité de vie au travail de leurs salariés. Plus poussé encore, des cabinets de conseil, comme Into The Tribe, proposent des programmes de digital detox permettant aux salariés de se désaccoutumer des nouvelles technologies.

Maitriser les limites

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont un réel potentiel pour améliorer notre quotidien au travail. Il est cependant difficile d’en mesurer les effets. Il convient toutefois de rappeler que la technologie doit être au service de l’humain, et non asservir celui-ci dans une quête infinie de performance. En l’absence de législation suffisante pour cause de transformation digitale soudaine et mal maîtrisée, chacun doit prendre ses responsabilités et agir de manière éthique dans la mesure du possible. Reste à espérer que les pouvoirs public sauront accompagner cette transition numérique dans les 10 prochaines années, d’un point de vue législatif, afin que les dérives ne puissent s’installer.